de 9h30 à 18h00
Dans le cadre de l'Unité de Recherche : Il n’y a pas de savoirs sans transmission
sous le texte
la carte
La
visualisation
du texte
en cartographie
28.11.2019
Journée d'étude • amphithéâtre • ouvert à tous
ÉSAD Grenoble-Valence • Place des Beaux-Arts, 26000 Valence
“ Étudier la lettre pour la lettre est une chose. Étudier la lettre pour le livre est tout autre chose. Il faut donc réhabiliter la distinction entre la « lettre-publicité » et la « lettre-texte ». La première se caractérise par la liberté d’imagination et par la réduction des contraintes. La seconde au contraire voit s’accroître les contraintes en fonction du développement des études sur la lisibilité. En conséquence, il est sûr que le mélange des deux objectifs, dans des essais de classification, réduirait sensiblement l’utilité de ceux-ci.
Une autre séparation retrouve alors son importance : la séparation entre le « roman » et le livre (ou l’imprimé) « utilitaire ». Le livre utilitaire soulève le problème de la hiérarchie visuelle, qui n’existe pratiquement pas dans le roman. On parle peu, et l’on écrit moins encore sur la hiérarchie visuelle typographique. Est-ce don un petit problème ? Certainement pas, car cette hiérarchie n’est autre que la nature profonde du discours, c’est à dire de la communication. ”
Jacques Bertin, « Classification typographique : Voulez-vous jouer avec mon A », Communication et langages, n˚45, 1er trimestre 1980. pp. 70-75
introduction par Sébastien Biniek
Doctorant en Science de l’Information Géographique, designer graphique
En guise de propos introductif à la journée d’étude : la relation des cartes aux toponymes. On nomme l’espace, les lieux pour pouvoir s’y référer et les distinguer. Cette designation arbitraire et utilitaire, est révélatrice de notre relation à l’espace et au réel. Désigner, nommer, figer, indexer, cartographier, etc.
Partant du caractère consubstantiel de la figuration topographique et de la typographie dans les cartes, j’examinerai dans un premier temps plusieurs aspects de la relation entre ces deux éléments pour montrer leur complémentarité. Ensuite, de manière plus dispersée, je présenterai d’autres aspects, moins académiques, d’usages de la typographie en lien avec la cartographie.
L’ensemble de ma communication aura pour objectif de montrer des exemples assez heuristiques et/ou provocateurs pour susciter la discussion.
La cartographie existe depuis des centaines d'années et nous a fourni des exemples de cartes assez incroyables. La visualisation de données est un domaine encore récent qui englobe l'informatique, la statistique, la conception graphique et d'autres domaines. Bien des choses dans la cartographie peuvent être traduites, enseignées et extrapolées pertinemment dans le domaine de la visualisation des données. De manière globale, dans mon travail, je me suis principalement attaché à intégrer le texte à la visualisation en empruntant à des disciplines connexes telles que la cartographie. D'autres enrichissements, peuvent également être apportés : les superposition, le dessin des icônes, les formes, la précision dans la gestion éditoriale, etc.
Dans cette intervention, j'aborderai la notion de « design space » en traçant ses limites dans le domaine de la visualisation des données. J’en ferai une analyse critique, j'illustrerai comment cette critique ouvre une grande variété d'opportunités en utilisant des exemples tirés de la visualisation de texte. Puis je suggérerai un certain nombre d'autres écarts pour lesquelles les principes cartographiques permettent de perturber, d'étendre, de reconsidérer le design et la visualisation de données.
En 2017, je fais la rencontre d’un marin nommé Briac. À cette période, il rédige son mémoire de fin d’études, je lui propose donc de l’aider à le mettre en page. C’est l’occasion pour moi de découvrir un monde qui m’est peu familier. Lors d’un séjour en mer avec Briac, je remarque une carte marine numérique que je peine à lire. Elle me semble cryptée. Même en changeant d’échelle, la carte reste un capharnaüm visuel, le texte et les symboles graphiques s’y chevauchent continuellement.
Cette confusion graphique m’interpelle et je décide de faire de cet outil de navigation, mon sujet de mémoire. Je pars à la rencontre de formateurs, d'étudiants et de marins pour comprendre les difficultés qu’ils rencontrent avec ce système de visualisation, qui me semble obsolète. Les marins me font rencontrer des cartographes et développeurs spécialisés dans la cartographie marine, qui participent à l’élaboration de nouvelles normes internationales des cartes marines. Grâce à ces nombreux témoignages, je tente de faire des propositions graphiques en cohérence avec les besoins de chacun.
Mon intervention rendra donc compte de mon expérience dans cette recherche graphique au long cours, posant la question de cette nouvelle place du design graphique au sein de l'élaboration de futures normes de la cartographie marine.
La pratique cartographique précède le lancement du studio Speculoos en 2000, mais pendant longtemps, elle a été très largement et vectoriellement artisanale en chevauchant des lambeaux de vecteurs générés par d'autres. En 2009, la rencontre avec un, puis des, développeurs qui manipulent des outils GIS a modifié ce point d'entrée. Ces collaborations ont pris divers tours, et nous ont progressivement permis de discerner des zones grises et grises foncées où la cartographie s'avance peu et qui sont trop distantes et floues que pour y trouver beaucoup de graphistes.
C'est souvent sur ces bordures que nous tentons de construire des montages entre autres typographiques, nos mains dans le cambouis de silice des bases de données cartographiques. Ce sont des recoins moins topographiques qui nous semblent riches et où on essaie d'emmener les organisations qui font appel à nous pour donner forme à des enchevêtrements de données, faits, notions et idées. Il nous semble important d'en soigner les détails visuels. C'est un bon moment pour procéder à quelques forages dans ces lasagnes et nous serons heureux de le faire avec vous.
Le lettrage de bande dessinée contemporaine a une place insistante dans les pratiques typographiques déviantes du studio Speculoos bien avant sa création. Mais la proposition de l'éditeur en chef de Dupuis de prendre en charge le patrimoine typographique de Franquin en 2016 tombe comme Noël en été. L'auteur a produit une œuvre dont la virtuosité et l'autonomie graphique dépasse de loin toutes les tendances nostalgiques qui rendent toxiques et kitsch la majorité des initiatives contemporaines de capture du patrimoine franco-belge. Par contre, la gageure à multi-fond que constitue la proposition ne fait aucun doute.
Après avoir lancé une étude constante qui seconde et alimente la production de fontes en éléments historiques de plus en plus touffus et précis, nous nous éloignons par à-coups forcés des canons des flux de travail typographique. Le dessin vectoriel manuel, puis les vectorisations très soignées, multiples et équipées de fonctionnalités peinent à nous satisfaire, même si elles constituent l'essentiel du travail dont l'éditeur a besoin. Un chantier plus conséquent et fondamental est lancé, celui de trouver un régime de formes du lettrage par l'axe (le squelette) opéré par des variables et qui s'appuie sur le logiciel MetaPost qu'Open Source Publishing explore, juste à côté. Antoine Gelgon adapte et étend ses scripts logiciels libres et nécessaires.
Collectivement, nous tentons différentes approches à la fois malhabiles et prometteuses. Un prototype est utilisé pour générer les bases d'une fonte intermédiaire. Antoine développe Plancton, une interface web qui permet de rendre nos computations plus visuelles. Puis l'éditeur, et le fond du sac des fonds, s'évanouit. Retour sur ce chantier interrompu qui nous brûle de reprendre.
B612, The PolarSysFont est le résultat d’un travail de recherche et d’expertise visant à la conception, l’évaluation et la validation d’une police de caractères numériques destinée aux interfaces aéronautiques (pilote /système) d’Airbus. Ce programme typographique est issu d’un projet collaboratif entre Airbus, le laboratoire d’Informatique Interactive de l’ENAC, le laboratoire PRISSMH de l’université de Toulouse III et le studio Intactile Design. Destinée à garantir un affichage optimal des informations, même dans des conditions extrêmes ou dégradées, la police a été conçue et testée itérativement en laboratoire et dans des simulateurs. Le souci de s’affranchir du verrouillage propriétaire des objets numériques dans ce secteur a par ailleurs poussé l’équipe à la publier en open source.